Après un vote unanime à l’Assemblée le 12 mai dernier, la France est en passe d’adopter le principe de quotas de femmes dans les instances dirigeantes des entreprises.
Les entreprises qui seront vraiment dérangées par cette mesure sont celles qui n’auront pas su constituer un vivier de talents suffisamment mixte pour procéder à des nominations sur des critères de compétences et d’aptitude au poste de dirigeant, plutôt que sur le sexe.
Ces entreprises risquent en effet d’être confrontées aux deux principaux effets pervers des quotas, à savoir la discrimination d’hommes préparés à ces fonctions et le doute sur la légitimité des femmes nommées dans ces conditions. C’est un risque important de démobilisation, de découragement, de colère et d’injustice, qui peut rompre le pacte de confiance établi entre la direction de l’entreprise et ses collaborateurs, hommes et femmes.
Comment aborder de façon constructive cette nouvelle contrainte et en faire un levier de performance et de sens au travail pour tous les collaborateurs, hommes et femmes ?
Nous vous proposons 3 repères fondamentaux.
Repère n°1 : Regarder ce futur quota… sans idée préconçue.
Que dit le projet de loi ? Réécrit en commission, l’article 7 de cette proposition de loi appelle les entreprises de plus de 1000 salariés à une proportion d’au moins 30% de femmes chez les « cadres dirigeants et membres des instances dirigeantes » en 2027, et de 40% en 2030. Ces entreprises moyennes ou grandes devront dans un premier temps publier « chaque année les écarts éventuels de représentation » entre les femmes et les hommes « parmi les cadres dirigeants ».
En 2030, « dans un délai » maximum « de deux ans », elles devront se mettre en conformité avec la règle de 40% de cadres dirigeantes, sous peine de se voir « appliquer une pénalité financière », plafonnée à 1% de la masse salariale. Avant une éventuelle sanction, l’inspection du travail tiendra toutefois compte du volontarisme des entreprises et de leurs secteurs d’activité, certains comme le BTP ou l’ingénierie technique ou informatique étant particulièrement masculinisés.
Cette cible de 30% n’a rien de scandaleux quand on envisage que les femmes représentent en France 56% de la population étudiante (1), 48% de la population active (2) et 38% des cadres (3). Le décrochage au niveau des cadres supérieurs (20%) (4) et des dirigeants (18%) (4) révèle moins un déficit de capacités des femmes qu’une insuffisance des entreprises à promouvoir et fidéliser leurs talents féminins.
De plus, même s’il intègre une sanction, le projet de loi précise d’emblée qu’on regardera plus le chemin emprunté que les résultats obtenus.
À la fois raisonnables et réalistes, ces nouveaux quotas ne peuvent être taxés d’idéologiques. Tout l’enjeu pour les entreprises est de se préparer dès maintenant pour ne pas se laisser imposer par la loi le choix stratégique de leurs futurs dirigeants.
Repère n°2 : miser sur l’émergence et non sur le ruissellement
La loi Copé-Zimmermann qui imposait des quotas dans les conseils d’administration n’a pas ruisselé sur les comités de direction qui restent encore très masculins.
Est-ce étonnant ? non ! Ce n’est pas parce qu’il y a des femmes en haut qu’il y aura des femmes en-dessous, c’est parce qu’il y a des femmes en-dessous qu’il peut y avoir des femmes en haut.
La mixité hommes-femmes est une problématique d’émergence et non de ruissellement.
Les quotas ont une vertu d’impulsion certes, mais à condition de comprendre que le vrai défi, c’est de favoriser à tous les niveaux de l’entreprise l’épanouissement et l’émergence de tous les talents. Et pour cela, il faut regarder avec lucidité, exhaustivité et volontarisme tout ce qui au quotidien pèse sur l’engagement des femmes. C’est un vaste de champ de progrès, qui doit mobiliser tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise et ne peut aboutir sans l’engagement et l’exemplarité des dirigeants.
À la clef, c’est plus de performance, comme l’ont notamment établi les études McKinsey : l’excellence organisationnelle et managériale génère à la fois une surperformance financière et une plus grande mixité des instances dirigeantes (5)
Repère n°3 : Miser sur les jeunes parents
Les dirigeants et dirigeantes de demain sont pour la majorité jeunes parents aujourd’hui. Comment l’entreprise intègre-t-elle leurs contraintes de disponibilité, alors que, dans la majorité des cas, les deux membres du couple travaillent aujourd’hui souvent à des niveaux de responsabilité et de rémunération comparables ? Comment leur donne-t-elle envie de rester motivés, engagés dans cette phase si cruciale pour eux, tout en respectant les propres enjeux professionnels de leur conjoint ou conjointe ? Comment leur permet-elle de travailler intensément tout en respectant leurs enjeux essentiels de vie privée ?
Témoignage ce matin même d’un jeune dirigeant informatique dans l’aéronautique : « Ma femme est avocate. Quand on a eu nos jumeaux, j’ai été obligé d’arrêter à 18h30 le soir. Globalement, j’ai un peu modifié ma façon de travailler mais j’ai tenu le rythme et mes objectifs. J’ai eu une bonne autonomie là-dessus de la part de mes managers. Mais, ce qui me fait péter un câble, et parfois met en péril mes projets, c’est le temps que je perds ou que l’on me fait perdre dans la journée. » Autonomie, flexibilité, ponctualité, efficacité, respect, confiance… ce témoignage évoque autant de facettes à la fois culturelles, organisationnelles et managériales qui vont conditionner l’engagement de ce talent et sa motivation à progresser dans les responsabilités.
La question de la maîtrise de son temps de travail soulève de plus en plus de difficultés à tous les niveaux de l’entreprise et elle s’intensifie au fur et à mesure que les responsabilités grandissent. Elle devient cruciale lorsque les contraintes d’ordre familial et privé s’intensifient. Elle est engageante, car elle oblige à remettre en question des fonctionnements éprouvés, qui apparaissent le plus souvent d’une évidente normalité, mais qui sont pourtant réellement discriminants.
En conclusion, on fait quoi ? On peste contre les quotas ou on rêve à des quotas « baguette magique » ? Si on n’arrive pas à les remplir, est-ce la faute des femmes ? Ou est-ce qu’on profite de ces nouveaux quotas pour réviser nos pratiques et comportements et bâtir aujourd’hui pour et avec les jeunes parents les conditions qui leur permettront d’engager durablement leur talent ?
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Égalité, diversité, handicap. Chez Companieros, nous accompagnons les managers et collaborateurs à se former ensemble sur des sujets qui ont du sens pour eux, pour l’entreprise et pour la société toute entière.